Des travaux de réaménagement sur le jubé de l’église luthérienne Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg ont permis de mettre à jour, lors de l’enlèvement du plancher autour de l’orgue, un socle en pierre.
Ce socle octogonal est scellé avec du plomb et comporte un percement rond en son centre. Il s’agit très certainement de la base d’un lutrin. Cette découverte nous donne l’occasion de rappeler le rôle du jubé dans la liturgie du Moyen-Âge. A la manière d’une iconostase, le jubé (galerie fermée) séparait la nef du chœur. On pouvait y abriter un ou plusieurs autels. Sa partie supérieure accueillait des musiciens ou bien, lors de certaines cérémonies, des clercs. Ainsi, il était d’usage, en général, de proclamer l’évangile de cette tribune, ou bien de chanter certaines hymnes comme le chant de l’Exultet pendant la vigile pascale (cet hymne annonce la résurrection du Christ).
Les jubés ont été supprimés dans les églises catholiques au XVIIe siècle, la liturgie née du concile de Trente demandant à être vue par les laïcs. Mais les jubés ont été conservés dans les églises protestantes qui n’avaient pas besoin d’utiliser le chœur par rapport à la nef, la conception de la liturgie étant communautaire et sans distinction entre clergé et fidèles laïcs. A Strasbourg, les jubés de Saint-Pierre-le-Jeune, de Saint-Pierre-le-Vieux, de Saint-Guillaume ont ainsi subsisté. Mais à Rouffach, l’église paroissiale n’a conservé, comme à Saint-Georges de Sélestat, que les tourelles d’escalier qui permettaient de monter sur le jubé. Et aux Récollets de Rouffach, on a retrouvé les traces du jubé médiéval, détruit à l’époque de la baroquisation de l’église.
Dernier détail qui conforte l’identification de ce socle comme base d’un lutin : on discerne au sol des traces de graisse, symétriques, qui proviennent des luminaires (cierges ou lampes à huile). Ceux-ci encadraient le pupitre et permettaient au lecteur ou au chantre de lire distinctement les textes.
Merci à M. Marc Schaefer pour le signalement de cette découverte et la photographie.